top of page

Travaux d’approche

ou tentative de compréhension d’une œuvre

Par Jean Janssis, janvier 2017

 

Chantier.

Où mènent les photographies d’Éric Van Den Berg ? Quel itinéraire, quel plan, quel projet

les guide? À quelle architecture mentale obéissent elles ?

Avoir la conviction, la presque certitude qu'une intention, qu’une volonté de créer un monde avec ses lois, ses règles  (bien plus que d’illustrer un propos ) les anime. Comment les choses se mettent elles en place, suivant quel organigramme et quel degré de conscience ? Ou quelle fatalité ?

Balancer entre l’idée que tout est fixé, figé d’avance, hors contrôle, mécanique; et celle d’une préméditation transcendantale où rien n’échappe à son auteur omniscient.

À  quel moment  du processus de création l’oeuvre est elle à l’image de son créateur ou devient elle le lieu d’une production autonome, anonyme, spontanée ?

Étincelle. Engrenage.

 

 

La loi des séries et l’ordre des choses

 

Reprendre  le fil de mes idées.

M’attacher au fil d’Ariane,  éperdument me  perdre en quête de sens.

Prendre la direction, la voie tracée, la route à suivre, linéaire, littérale mais pas que ! M’aligner sur la suite algébrique, chiffrée, datée, vorace d'événements casuels et fortuits. Hasard, chance ou nécessité ?

Embarquement immédiat.

Être conduit sur des autoroutes d’images et des bandes d’arrêt d’urgence. Il y a des césures, des rythmes, des mouvements oculaires en lien avec la lecture, et qui déterminent le mode de décodage.  

Il y a des allures de planches contacts, de films, quand les images se touchent sans séparation ni frontières. Ou quand elles font la file, attendent leur tour et distillent le goutte à goutte des clepsydres.

Grains de sel ou grains de sable de nos vies.

Dire le pixel, la ponctuation, la phrase, le roman. Point à la ligne.

J’ai vu, j’ai lu, j’ai dévoré les images d’Éric Van Den Berg comme autant de pages d’un nouveau roman d’Alain Robbe-Grillet ou de Claude Simon. Elles sont aussi littéraires. Passage pour piétons et déroutant nuages.

Plus tard, des images viendront rompre la linéarité, en organisant le volume, des suspensions, des flottaisons.

Et des images venues d’ailleurs, du lointain internet, pour trouver leur place dans une autre géométrie.

Fractales.

J’ai vu des avions, comme des insectes bourdonnant, remplir le ciel.

J’ai nagé parmi les naïades.

 

C’est aussi l’histoire d’une machine, d’une tour qui abrite dans l’arborescence des data, des dossiers, toutes nos photographies. Par milliers.  Et d’un homme. L’opérateur aux manettes, usant de son pouvoir de décision, dans sa toute puissance, procède au choix de ne rien éliminer. Tout dire, tout montrer. Ouvrir les vannes d’un flot continu d’images. Ni juge, ni arbitre. Seul retentit le coup de feu du départ et le clap de fin.

Abandon du prédicat esthétique, refus des jugements de valeurs et des priorités. L’enjeu est majeur, il relève de la politique et de la philosophie. Le travail d’Éric van Den Berg questionne notre rapport au pouvoir de création artistique et nous interroge  sur notre place, notre rôle, à l’heure, à l’ère du numérique et des modifications profondes et définitives qu’il opère. Autre vision, autre et nouvelle organisation du monde.

15 janvier 2017

 

J’ai décidé d’écrire ce texte comme je voulais !  Comme lui. Moi aussi.

Mimétisme.

Des mots, des bribes, des phrases alignées à la suite, comme ses photos.

Dire le sentiment, quitter l’analyse, le diagnostic, au profit de l’affectif, du perméable, des émotions.  Voir la trace, la marque laissée dans les plis de mon cerveau.

J’ai été pris par l’envie de voir de près, si près, trop près. De loin j’ai découvert des tableaux, des peintures. Oscillation entre l’infiniment grand et l’infiniment petit.

Prises et pertes de conscience.

Voyages de Gulliver.

J’aime ces photos  parce qu’elles  me submergent, m’envahissent. Je suis dans l’adhésion de cette surabondance où rien ne viendrait à manquer. Je suis transporté par ce courant d’images incessantes avec l’impression de n’être plus en capacité de changer le cours du fleuve. Quelque chose me les rend essentielles. Elles m’enveloppent, me baignent, me trompent, me mentent !

Je les veux !

D’où qu’elles viennent ! Réglementées, chronométrées, insolentes, désinvoltes ou ludiques.

Quand elles disparaissent et renaissent. Leur multiplicité, leur division vaut une somme: le total.

bottom of page